Procès du RN : un regard juridique
Ludovic Bousquet, Avocat, Délégué départemental de la fédération UDI de Gironde
Ce lundi, Marine Le Pen et plusieurs membres actuels et anciens du Rassemblement National ont été condamnés pour détournement de fonds publics. Elle-même a été condamnée à une peine de 4 ans de prison, dont 2 ans ferme sous surveillance électronique, une amende de 100 000 euros et 5 ans d’inéligibilité, mise en œuvre immédiatement sous exécution provisoire.
Le tribunal a considéré que Marine Le Pen avait orchestré un système où les assistants parlementaires des députés européens étaient employés non pas pour assister les députés dans leur travail parlementaire, mais pour remplir diverses fonctions au sein du Rassemblement National. Les attendus du jugement précisent que « ces personnes ne recevaient aucune instruction spécifique de la part de leur député et changeaient fréquemment d’assignation entre différents députés, travaillant effectivement pour le parti. »
Il en ressort que le détournement de fonds publics, à hauteur de 4.1 millions, est clairement établi, l’argent alloué n’ayant pas servi aux fins légales prévues.
La sentence comprend deux parties : une peine principale (prison et amende) et une peine complémentaire, l’inéligibilité de 5 ans, qui interdit à Marine Le Pen de se présenter à une élection. Cette inéligibilité est appliquée immédiatement en raison de l’exécution provisoire, une mesure qui rend la peine effective dès maintenant, même en cas d’appel.
Le tribunal a justifié l’exécution immédiate de cette peine par un « risque de récidive » et l’absence de reconnaissance des faits par les condamnés, près de 10 ans après les événements. Par ailleurs, cette peine d’inéligibilité est une mesure obligatoire prévue par la loi Sapin 2 de 2016, qui vise à sanctionner les délits liés à la corruption ou à l’utilisation illégale de fonds publics. Marine Le Pen l’avait qualifiée d’insuffisante en souhaitant aller plus loin en instaurant une inéligibilité à vie.
Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais, a d’ores et déjà fait appel du jugement et la Cour d’appel de Paris a annoncé rendre sa décision à l’été 2026. Trois scénarios sont possibles :
- Acquittement : Marine Le Pen serait innocentée par la Cour d’appel et pourrait se présenter à l’élection. Ce scénario est jugé peu probable en raison des preuves établies.
- Confirmation de la culpabilité sans exécution provisoire immédiate: Si l’inéligibilité est confirmée mais différée, un pourvoi en cassation suspendrait l’application immédiate de la peine, lui permettant de se présenter si la Cour de Cassation ne se prononce pas avant l’élection.
- Confirmation avec exécution provisoire : Si la décision initiale est confirmée, l’inéligibilité s’appliquera immédiatement, bloquant toute candidature jusqu’à la fin de la peine.
Marine Le Pen a également annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme si nécessaire.