Agences de l’État : l’efficacité entravée par la centralisation et la technocratie
Lors d’une audition sur les agences de l’État au Sénat, Jean-Louis Borloo, ancien ministre d’État, Président d’honneur de l’UDI, a présenté sa vision des agences publiques, soulignant comment leur efficacité initiale a souvent été compromise par une technocratisation croissante.
Il a particulièrement mis en évidence le remplacement progressif des professionnels de terrain et des élus locaux par des administrateurs issus de la haute fonction publique, conduisant ainsi à une gestion administrative complexe, parfois déconnectée des réalités pratiques. L’exemple emblématique de l’hôpital public, autrefois dirigé par des médecins et désormais géré par des administrateurs civils, illustre selon lui cette dérive : les frais administratifs auraient considérablement augmenté, passant de 5 % à près de 34 %.
Cette analyse s’est prolongée par une réflexion approfondie sur l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), un organisme qui symbolise selon Jean-Louis Borloo à la fois les réussites et les difficultés rencontrées par les structures publiques d’envergure nationale.
Initialement conçue comme un organe facilitateur favorisant la collaboration locale, l’ANRU réunissait élus, départements, offices HLM et divers partenaires. Son objectif était d’exécuter rapidement des opérations majeures de rénovation urbaine, telles que la réhabilitation, la résidentialisation ou encore la démolition-reconstruction. Le but central était clair : reconnecter les quartiers périphériques isolés, héritage d’une urbanisation passée peu adaptée, au tissu urbain et social des villes.
Face à ce défi majeur, l’ANRU s’est affirmée comme un projet républicain ambitieux, bénéficiant d’un soutien large allant des collectivités locales aux partenaires sociaux, en passant par des organismes tels qu’Action Logement. Ce programme, totalisant près de 80 milliards d’euros d’investissements, a permis de reloger 200 000 familles et de créer de nombreux équipements publics essentiels pour améliorer durablement la vie quotidienne des habitants.
Cependant, l’ANRU a progressivement souffert d’une bureaucratisation grandissante, notamment sous l’influence accrue de l’administration centrale. Des procédures administratives lourdes, comme les conventions de préfiguration imposées aux élus locaux, ont significativement freiné l’avancée des projets urbains. Par ailleurs, l’implication directe de l’État dans le financement de l’agence est restée modeste, tandis que d’importantes ressources initialement destinées à la rénovation urbaine ont été redirigées vers le budget général, notamment par des prélèvements opérés sur Action Logement.
Ces évolutions témoignent d’une tendance préoccupante vers une action publique davantage focalisée sur le contrôle administratif plutôt que sur l’efficacité opérationnelle. Pour Jean-Louis Borloo, il est urgent de simplifier radicalement les procédures administratives et de redéfinir clairement les objectifs et responsabilités des agences publiques. Il propose notamment d’accorder un rôle central de coordination aux préfets et de restaurer une autonomie décisionnelle réelle aux acteurs locaux. Cette réorganisation structurelle permettrait de retrouver l’efficacité initiale des agences publiques favorisant ainsi des résultats tangibles et rapides sur le terrain.