Guerre en Ukraine : un front de plus en plus fragile pour Kiev

Jean-Baptiste Noé, rédacteur en chef de Conflits

Deux ans après le début de l’invasion de l’Ukraine, le mouvement reprend sur le front. Alors que l’année 2023 fut celle d’un relatif statu quo, avec très peu de modifications de la ligne de front en dépit de la contre-offensive ukrainienne, l’activité militaire a repris et elle n’est pas en faveur de Kiev. La prise de la ville d’Avdiivka, 30 000 habitants avant-guerre, permet à la Russie de sécuriser le Donbass. Au sud du front, les combats se font de plus en plus intenses. À la guerre, seule compte la vérité du front et, en février 2024, la dynamique, même modeste, est du côté de la Russie.

 

Plus grave pour l’Ukraine, le pays manque d’hommes et de munitions. Un récent rapport sénatorial ne dit pas autre chose : « La masse demeure du côté russe. Entre mai et décembre 2023, le nombre de soldats russes aurait augmenté de 20% sur le front et le nombre de chars et de pièces d’artillerie de 60% » confirme le sénateur Cédric Perrin.

 

Le déséquilibre d’armement est nettement en faveur de la Russie. Si l’Ukraine tire entre 5 000 et 8 000 obus de 155 mm chaque jour, la Russie en tire entre 10 000 et 15 000. À titre de comparaison, la France produit 20 000 obus… par an, soit à peine 3 jours de guerre. Le gouvernement a annoncé vouloir accroître la production à 30 000 unités annuelles, soit 4 jours de guerre. C’est trop peu pour assurer un soutien suffisant à l’Ukraine. La « coalition artillerie » annoncée par Emmanuel Macron n’aboutira pas à grand-chose pour une raison simple : les Européens ne disposent pas des outils industriels nécessaires pour produire davantage.

 

Une réalité pessimiste, mais qui démontre une maxime intangible de la guerre : pour gagner, les moyens sont plus importants que les mots. Français et Européens payent aujourd’hui un triple aveuglement : sur la détermination de la Russie à réviser les frontières, y compris par la guerre, sur l’idée que la sécurité européenne pouvait être assurée uniquement par les États-Unis (et il faut prendre au sérieux Donald Trump quand il annonce vouloir sortir de l’OTAN), sur la croyance que l’Europe, parce qu’elle ne voulait pas la guerre, en serait épargnée. S’il n’est pas trop tard pour aider l’Ukraine, il est en revanche urgent de réviser notre rapport au monde pour assurer la viabilité de notre armée et de notre industrie de défense.