Salon du Bourget : des succès et des doutes dans un monde qui inquiète

Vincent Capo-Canellas, Sénateur de la Seine-Saint-Denis et Président du groupe d’études Aviation civile au Sénat

 

Le Salon du Bourget 2025 est d’ores et déjà un succès : il confirme, et de très loin, sa place de premier salon mondial consacré à l’aéronautique et au spatial. La forte présence internationale (malgré quelques polémiques difficilement évitables) est une reconnaissance supplémentaire qui s’ajoute à la présence traditionnelle des fleurons de l’industrie française et européenne.

Les succès d’Airbus lui permettent d’occuper la première place devant Boeing. Dassault engrange également ces derniers mois des commandes importantes pour le Rafale, et nos grands équipementiers confirment ces perspectives positives.

 

Plus que jamais, l’aéronautique est une industrie duale où le civil et le militaire se nourrissent mutuellement d’innovations, et les coopérations européennes créent un effet de taille critique bénéfique.

 

Cependant, l’accident dramatique du Boeing d’Air India, les désordres géopolitiques dans de nombreuses régions du monde, la présence de plusieurs guerres et le début du conflit israélo-iranien donnent une coloration inquiétante à cette édition. La dominante défense du salon est évidente. Pour la France, la question du financement de l’effort de défense reste entière dans un contexte budgétaire très difficile. De nombreuses PME sont confrontées à l’allongement des délais de paiement de l’État : un véritable paradoxe.

 

Au-delà du court terme, des questionnements sont inévitables : si le secteur aéronautique se porte bien, il souffre encore de difficultés d’approvisionnement dans la chaîne des fournisseurs, et le chantage douanier américain est un facteur supplémentaire de désorganisation. Le coût de nos charges sociales pèse lourd : là où nous finançons trois ingénieurs, l’Allemagne en paie quatre pour le même prix. Globalement, l’Europe taxe et règlemente excessivement, tandis que la France se distingue par son niveau particulièrement élevé de taxes imposées aux compagnies aériennes, affaiblissant ainsi l’écosystème au moment où il faut financer la décarbonation et les carburants durables. Si nous voulons imposer un nouveau standard mondial d’avion décarboné, nous devons veiller à sa soutenabilité financière.

 

Enfin, le trafic domestique en France est inférieur de 20 % à celui enregistré avant la pandémie de Covid-19, et le trafic global (domestique et international) en France est passé de la 4ᵉ à la 6ᵉ place européenne, alors qu’ailleurs, il progresse nettement.

 

Le Crédit impôt recherche et les crédits de recherche (CORAC) restent des contrepoids essentiels à maintenir pour l’industrie. Un moratoire sur l’ensemble des taxes serait indispensable pour les compagnies françaises après le milliard d’euros de prélèvements supplémentaires infligé en 2025. Faute de quoi, le point de bascule sera franchi aussi bien pour l’industrie que pour les compagnies. N’oublions pas que le secteur génère un excédent de 31 milliards d’euros pour notre balance extérieure. Cela mérite une attention particulière afin de lui permettre de continuer à être à la pointe.