La langue française à l’ère moderne

Nathalie Marajo-Guthmuller, Conseillère de la Collectivité européenne d’Alsace, Vice-présidente du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord et Professeur de lettres en collège

Cher.ère.s lecteur.rice.s, tout.e.s celleux qui me lisent,

Ces points médians, ces contractions néologiques ne rendent-ils pas la lecture plus ardue, l’écriture plus complexe, à l’heure où l’on recommande des polices de caractère sans sérif, uniformément espacées, pour les personnes dyslexiques, malvoyantes ou simplement âgées ?

 

Un niveau en français qui baisse…

Il est indéniable que le niveau d’orthographe, de syntaxe et de culture générale est en chute libre chez les jeunes Français, tout comme les facultés de compréhension des textes et la richesse du vocabulaire. Cette baisse du niveau de maîtrise de la langue française, qui s’accentue, trouve ses racines dans une pléthore de facteurs (aggravés par les inégalités socio-économiques et territoriales, particulièrement impactantes dans notre pays) :

  • la réduction drastique du nombre d’heures d’enseignement du français ces dernières décennies ; ainsi, entre 1968 et 2022, les écoliers et collégiens ont perdu 522 heures de français, soit deux années de formation, sans parler de la suppression des travaux en classes dédoublées (sauf exception en réseaux d’éducation prioritaire) ;
  • l’usage abusif et sans supervision des écrans, sans incitation à la lecture et aux sorties culturelles en parallèle ; en découlent des capacités d’attention et de concentration réduites, une culture générale très lacunaire ;
  • des moyens insuffisants pour gérer les élèves à besoins éducatifs particuliers, manques qui pénalisent les classes entières ;
  • des éléments structurels : remplacement des professeurs absents, formation inadaptée des enseignants, raréfaction du redoublement, réformes nombreuses, peu cohérentes…
  • une baisse des exigences, un nivellement par le bas …
  • un saupoudrage de disciplines enseignées très tôt, au détriment d’un apprentissage solide des fondamentaux ;
  • une ludicisation de l’enseignement, qui peut être une bonne chose, si elle ne s’oppose pas à l’acquisition des règles de grammaire, etc.

 

Le français, une langue éminemment vivante…

 

La langue française, si elle est malmenée notamment à l’écrit, est plus vivante que jamais. En effet, elle évolue très rapidement, s’enrichit de mots nouveaux que ce soit dans l’usage ou dans le dictionnaire, de mots issus parfois d’autres langues, qui la rendent plus universelle, n’en déplaise aux puristes ! Néanmoins, au niveau des échanges internationaux, elle ne peut rivaliser avec l’anglais.

 

Et l’écriture inclusive alors ?

Pour toutes ces raisons, rien que pour ne pas rendre la lecture et l’écriture plus difficiles aux élèves, je pense qu’il n’est pas opportun de complexifier encore une langue déjà très riche et subtile, sans la simplifier pour autant. Je suis contre la déculturation de nos élèves que cette langue nouvelle, artificielle, générerait.

En outre, je ne crois pas que le combat pour l’égalité femmes-hommes se situe dans les mots et trouverait une solution dans cette écriture qui se veut inclusive, mais oppose davantage encore les genres en refusant de les fusionner sous une forme unique. Le combat est ailleurs, plus sérieux, plus grave. Les mots n’ont pas de sexe ; ne les polluons pas avec un militantisme ici stérile, ne les prenons pas en otage. La langue évolue naturellement, via les usages, les modes, l’actualité, les innovations, mais pas à coup d’idéologie imposée. 

Enfin, par amour pour la beauté de notre langue, pour la beauté des poèmes de Rimbaud, Baudelaire, Victor Hugo, des tragédies de Racine, je ne puis accepter la laideur de ces points médians, de ces mots à rallonge, lourds et sans charme ! 

En tant que femme et plus malicieusement, je conclurai en disant que je n’ai pas besoin que « le féminin l’emporte » pour savoir que les hommes et les femmes sont égaux, mais différents, si richement complémentaires. Égalité ne signifie pas uniformité. Ne dit-on pas UNE intelligence, LA beauté, LA générosité, LA grandeur d’âme, LA perfection, LA lucidité… ?

Que veut-on de plus ?