Nouvelle-Calédonie : construire un consensus pour un avenir partagé

Philippe Gomès, élu au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ancien député, ancien Président du gouvernement calédonien et ancien Président de la province sud

Par les accords de Matignon-Oudinot de 1988 et l’accord de Nouméa de 1998, la Nouvelle-Calédonie s’est engagée dans un processus négocié et constitutionnalisé ensuite de décolonisation et d’émancipation au sein de la République française. Le droit à l’autodétermination a été reconnu au peuple calédonien qui a décidé à trois reprises de demeurer au sein de la République française.

L’Accord de Nouméa prévoit qu’en cas de réponses négatives à la question posée, « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

C’est dans ce cadre que des discussions entre l’État, les indépendantistes et les non-indépendantistes se sont engagées depuis octobre 2022. Elles se sont soldées par un échec.

Prenant acte de cette situation, le gouvernement a déposé deux projets de loi : le premier de nature organique, portant report des élections provinciales au plus tard au 15 décembre 2024 ; le second, de nature constitutionnelle, portant dégel du corps électoral calédonien.

Ces deux projets de loi s’inscrivent dans une même perspective.

L’objectif est d’abord de donner « du temps au temps » afin de permettre à un « Grand Accord » de voir le jour et d’être constitutionnalisé. C’est pourquoi, le Sénat a prévu que le processus qui a été initié pour dégeler le corps électoral, peut ne pas entrer en vigueur ou, le cas échéant, devenir caduc – jusqu’à 10 jours avant les élections provinciales – en cas d’accord « sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie », en vue d’assurer à tous les citoyens du pays, « un destin commun ».

En effet, comme le Conseil d’État l’a rappelé dans son avis du 7 décembre 2023 : « la recherche du consensus, poursuivie depuis 25 ans par les gouvernements successifs (…) de l’accord, constitue une donnée fondamentale de l’élaboration de l’organisation politique qui prendra la suite de celle issue de l’Accord de Nouméa ».

À défaut de « Grand Accord », il faut permettre aux élections provinciales de se tenir avec un corps électoral « dégelé ». Rappelons qu’aujourd’hui, 20 % des habitants de la Nouvelle-Calédonie ne peuvent participer à ce scrutin, faute d’un temps de résidence suffisant, alors qu’ils n’étaient que 7 % en 1998, ce qui porte une atteinte grave aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage. Dès la réforme constitutionnelle achevée, tous ceux qui ont 10 ans de résidence en Nouvelle-Calédonie pourront désormais participer au scrutin.

L’essentiel, pour notre pays, à défaut d’être à l’heure des élections, c’est d’être à l’heure de l’histoire.