Prisons : la lutte contre la délinquance s’opère aussi à l’intérieur
Bruno Coulon, Docteur en droit et spécialiste en droit pénitentiaire
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, en visite, à la prison de Riom (63), a pu constater récemment son impopularité auprès des personnes délinquantes et également l’impact concret de son action. Ses déplacements au sein de l’établissement pénitentiaire se sont effectués sous la bronca des détenus.
Ces derniers contestant les mesures de fermeté engagées par le ministre : lutte contre les téléphones portables en prison, la participation aux frais d’incarcération, la construction de places de prison supplémentaires et la création des établissements pénitentiaires de haute sécurité.
On voit bien que la difficulté principale pour notre société est celle de la banalisation de leurs actes par les délinquants qui ont une volonté de rendre commune la transgression des lois et des règlements, et d’instaurer un sentiment de fatalisme au sein des professionnels luttant contre ces actes transgressifs.
L’exemple des téléphones portables illégaux en détention illustre à lui seul ce phénomène. Les personnes détenues transgressent massivement l’interdit et créent par cela un sentiment d’impuissance parmi le personnel. Cette situation est également accompagnée d’une rhétorique afin de minimiser l’infraction commise au règlement intérieur de la prison. Comme l’exposent souvent certaines personnes détenues : « finalement, le téléphone comme objet du délit, ce n’est pas grand-chose », et de manière très démagogique, « cela participe à la paix sociale en détention, car on garde le lien avec les familles à l’extérieure ».
Le danger provient de ce sentiment de banalisation cultivé par les personnes incarcérées. Lorsque le droit reprend sa place (opérations de fouille), cette situation peut donc se transformer rapidement en un sentiment d’injustice et à des réactions violentes de frustration.
Les deux incendies qui se sont produits très récemment en Meurthe-et-Moselle, semblant visés des agents pénitentiaires, sont la concrétisation de cette frustration, voire de cette incompréhension à ce qui est la règle commune et non pas la loi du clan. On utilise l’intimidation pour tenter de reprendre la main par la force.
Dès lors, on mesure dans la douleur que les réponses apportées commencent à avoir des effets. La banalisation jusqu’alors induite est remise en question et les transgressions instaurant « la loi du plus fort » également.