La confiance ne se décrète pas à priori : elle se construit sur des actes

Retrouvez ma réponse au discours

de politique générale de Jean Castex ↘️

Il y a trois ans, le groupe UDI et indépendants a fait le choix de représenter une opposition constructive. En effet, nous avions été élus contre des candidats de La République en marche, mais pas contre la France, et il nous semblait que la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement voulaient changer les codes politiques. Trois ans plus tard, bien que regrettant de ne pas avoir été souvent entendus, nous n’avons pas changé.

La crise sanitaire demeure, et on n’entend pas assez la communication du Gouvernement ; celle-ci devrait être plus ferme pour que nos concitoyens deviennent raisonnables et adoptent vraiment les mesures de précaution. On ne comprend pas l’annonce selon laquelle le port du masque sera obligatoire dans quinze jours, alors qu’il a suffi de quarante-huit heures pour confiner les Français !

Dans ce contexte de crise sanitaire et de début de crise économique, nous continuons à espérer que l’effort soit national, sans que cela gomme nos différences. Fidèles à ce que nous avons peu ou prou toujours déclaré dans cet hémicycle, nous restons prêts à y contribuer par nos idées et nos propositions, à aider le Gouvernement à trouver le bon chemin et le bon rythme pour la France.

Vous venez de nous dire, monsieur le Premier ministre, que vous souhaitez travailler avec les corps intermédiaires – c’est, depuis toujours, l’une de nos exigences –, que vous êtes ouvert aux idées des autres et que vous attendez la même attitude de la part de vos ministres comme de votre majorité.

À l’heure où vous demandez la confiance de l’Assemblée nationale, nous avions envie de vous dire « chiche ! » Je me disais, en vous écoutant, que nous n’avions aucun préjugé, ni favorable ni défavorable. Mais, si nous ne rejetons pas la confiance de façon automatique, nous considérons qu’elle ne se décrète pas a priori. Non, la confiance se gagne, elle se construit, monsieur le Premier ministre.

Comme vous aimez à le dire, c’est désormais à vous et à votre majorité que revient la charge de la preuve : vous devez prouver votre volonté de construire cette confiance, votre capacité à écouter, à construire en commun, à rassembler les forces vives du pays et à dégager un consensus. C’est à cette aune que notre groupe jugera votre gouvernement, sur les actes, et pas seulement sur les paroles.

Face aux crises que notre pays affronte, nous avons besoin de trois éléments essentiels : une stratégie, une cohérence et du concret. Or, hier, nous n’avons rien entendu de tel dans le discours du Président de la République.

La stratégie doit reposer sur deux piliers majeurs ou deux grands principes. Le premier est la planification de l’indépendance de notre pays dans cinq domaines : l’alimentation – donc l’agriculture –, le médicament, le numérique – car nous sommes en train de devenir des colonies numériques des États-Unis d’Amérique et de la Chine –, l’industrie et l’énergie propre.

À cet égard, nous pouvons être favorables à la création d’un commissariat général au plan, que vous avez annoncée, mais à condition que tout le monde y participe, et pas seulement la haute fonction publique. Car je pense que même les partenaires sociaux sont à même de s’accorder sur les activités qu’il est nécessaire de relocaliser et sur les adaptations qu’il convient d’apporter à la réglementation ou à la fiscalité.

Le second principe est la décentralisation. À ce sujet, je reste sur ma faim après vous avoir entendu. La crise sanitaire vient encore de le prouver, l’État français se caractérise par sa volonté de toujours tout faire, même ce que d’autres pourraient faire à sa place. Dès lors, il fait mal, et de plus en plus mal, ce qu’il est le seul à pouvoir faire : je pense à la police, à la justice, à la santé, à l’éducation et à la défense. Notre vision est plutôt celle d’un État très décentralisé, d’un État chef d’orchestre qui fournit des partitions et des instruments mais laisse chaque collectivité s’organiser pour atteindre les objectifs fixés en commun.

Le plan de relance doit favoriser notre indépendance, c’est-à-dire notre capacité à produire ce dont nous avons le plus essentiellement besoin, et les emplois non délocalisables. Voilà la stratégie que notre groupe souhaiterait voir mise en œuvre par votre gouvernement. 

Toute stratégie doit s’accompagner d’une cohérence. Or on ne perçoit pas toujours de cohérence dans la succession des annonces que nous avons entendues ces derniers jours. Notre pays a besoin, par exemple, d’un grand plan d’isolation énergétique des bâtiments, non seulement pour conduire la transition environnementale, mais aussi pour créer des emplois non délocalisables. Mais cela suppose, monsieur le Premier ministre, que l’État lutte véritablement contre les fraudes au travail détaché.  À défaut, nous allons nourrir des entreprises étrangères en faisant venir des gens d’autres pays de l’Union européenne, et nous ne parviendrons pas à sauver le secteur français du bâtiment et des travaux publics.

Nous proposons ainsi qu’un plan français et un plan européen – j’ai eu l’occasion de défendre cette idée l’an dernier – permettent de fibrer jusqu’à la dernière ferme de France. Cela présenterait plusieurs avantages. Tout d’abord, ce serait créateur d’emplois non délocalisables. Surtout, la numérisation de l’intégralité de l’économie de notre pays améliorerait la résilience – on l’a vu dans la période que nous venons de traverser – et de booster l’aménagement du territoire. Cette planification pourrait même être conjuguée avec une fiscalité modulée qui permettrait à des entreprises de se délocaliser à l’intérieur de notre pays, depuis les grandes métropoles vers des territoires plus vivables et plus agréables.

Nous avons besoin d’autres efforts européens, en particulier de l’instauration d’une taxe carbone à nos frontières. L’Europe est en train d’accepter pour la première fois une mutualisation des dépenses d’emprunt – et il est exact que la France a joué un grand rôle en la matière. Mais il faut qu’elle accepte aussi une mutualisation des recettes et que ces recettes ne soient pas exclusivement des contributions nationales. Or c’est par la taxe carbone que nous pouvons y parvenir, chers collègues, car nous ferions ainsi payer ceux qui produisent loin de chez nous les produits que nous consommons, tout en alimentant le budget européen.

Par ailleurs, il convient de réformer les marchés publics pour permettre aux collectivités locales et à l’État d’être plus agiles dans leurs commandes en tenant compte de l’éloignement – parfois excessif –, du coût environnemental ou du coût social. Si vous ne le faites pas, monsieur le Premier ministre, les collectivités désireuses de favoriser l’emploi local et la production agricole locale ne pourront le faire sans s’exposer aux foudres de la justice.

Enfin, il ne faut pas sombrer dans l’incohérence en proposant une grande politique en faveur de la propulsion à hydrogène – j’y suis moi aussi favorable, car cela permettra de décarboner nos déplacements en avion, en bateau, en train, en voiture, en bus – tout en se réjouissant de la fermeture de centrales nucléaires. Contrairement à ce qu’affirme un mythe écologiste en train de se répandre, si nous fermons les centrales, l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène proviendra du charbon et du pétrole, et il ne pourra y avoir, dès lors, de plan hydrogène – même le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le reconnaît très clairement.

Enfin, nous voulons du concret pour faire face à trois urgences : l’urgence éducative – dont on a peu parlé – l’urgence économique et l’urgence sociale.

L’urgence éducative, d’abord. D’une part, comment rattraper, à partir de la rentrée prochaine, le temps perdu par les élèves pendant les trois derniers mois ? Il ne faut pas qu’une génération soit confrontée à des troubles d’apprentissage, qu’elle soit handicapée toute sa vie par la crise que nous venons de vivre. D’autre part, quel serait le plan B pour la rentrée si, malheureusement, l’épidémie repartait ? Nous n’en avons pas entendu parler hier, et j’aimerais que le ministre de l’éducation nationale apporte des précisions à ce sujet, aux parents comme aux enseignants.

L’urgence économique, ensuite. Les plans de redressement et les mises en liquidation judiciaire vont se multiplier. Nous avons déposé une proposition de loi visant à casser les chaînes de contamination économique en permettant à l’État de modifier l’ordre de priorité des créanciers d’une entreprise en difficulté : les salaires seraient évidemment payés en priorité comme aujourd’hui, mais les fournisseurs passeraient avant l’État et la sécurité sociale. Ainsi, les difficultés d’une entreprise n’en mettraient pas cinq autres en difficulté, et l’on endiguerait la contamination économique en cours

De même, nous proposons que les prêts garantis par l’État deviennent de quasi-fonds propres : leur remboursement par les entreprises commencerait non pas dès janvier prochain mais seulement à partir de juillet 2022 et serait étalé sur les cinq ou six ans suivants.

Nous vous proposons en outre de booster l’investissement des collectivités locales : chaque fois qu’elles mettent 2 euros dans un secteur où l’emploi est non délocalisable, l’État ajouterait 1 euro afin de relancer la commande publique et le travail local.

Nous demandons aussi que soient accélérées les commandes liées à la loi de programmation militaire pour préserver notre tissu industriel de défense et que la TVA passe à 5,5 % dans la restauration, le tourisme et l’hôtellerie tant que ces secteurs seront contraints par la situation sanitaire.

L’urgence sociale, enfin. Le premier axe doit être la jeunesse, et je dois dire que les mesures que vous venez d’annoncer semblent à la hauteur des enjeux.

Nous devons aussi prendre en considération celles et ceux qui risquent d’être privés d’emploi pendant plusieurs années. Cette crise annonce une révolution numérique qui rendra inemployables des centaines de milliers de Français. Nous proposons de créer une indemnité de préparation au choc numérique, afin qu’ils puissent s’adapter dès maintenant.

 

Je conclus, monsieur le président, en appelant l’attention sur la nécessité d’aider les locataires qui vont avoir beaucoup de difficultés à payer leur loyer.

Vous le voyez, monsieur le Premier ministre : nous avons des idées et des propositions à revendre pour aider notre pays.

À vous de prouver votre capacité d’écoute et de débat utile. La grande majorité du groupe UDI et indépendants s’abstiendra aujourd’hui, en espérant que vous saurez construire la confiance demain.

 

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