Taxe Zuckman, pourquoi est-ce une fausse bonne idée ?
Ana Paula Martins de Olivera, Adjointe au maire de Cannes et directrice financière
La France vit à crédit. Notre dette a atteint un niveau record et nos déficits se sont installés dans la durée. Cette situation n’est pas qu’une abstraction comptable : elle pèse chaque jour un peu plus sur notre souveraineté, nos marges de manœuvre et le coût du financement de l’action publique.
Les agences de notation nous le rappellent sèchement : Fitch vient de nous dégrader à A+, citant l’ampleur de la dette, les déficits persistants et une incertitude politique qui brouille la trajectoire de redressement alors que la France n’a pas un problème de manque d’impôts : les prélèvements obligatoires représentent 42,8 % du PIB (2024). Autrement dit, notre manque de lisibilité et nos blocages se payent cash sur les marchés.
Dans ce contexte, quel que soit le locataire de Matignon, l’impératif est le même : commencer à résorber le déficit et rétablir la crédibilité de notre trajectoire publique.
C’est alors que la “taxe Zucman” a fait son apparition. Gabriel Zucman, économiste, propose un impôt minimal équivalent à 2 % de la richesse pour les grandes fortunes. L’idée est d’assurer un niveau d’imposition plancher, indépendamment des revenus effectivement perçus chaque année.
Sur le papier, l’objectif de faire contribuer davantage ceux qui le peuvent est séduisant. Dans la pratique, cette taxe soulève deux problèmes majeurs pour notre économie réelle :
Fiscal
Beaucoup de patrimoines visés sont illiquides (participations d’entreprise ou titres non cotés). Taxer chaque année une valeur à l’instant T, souvent volatile et théorique, contraint à vendre des parts ou à s’endetter pour payer l’impôt. Ce mécanisme pèse particulièrement sur les fondateurs de start-up et les dirigeants qui réinvestissent dans leur société, au risque de casser des trajectoires de croissance. Mistral AI qui a une forte valorisation n’est pas rentable donc son fondateur devra revendre une partie de sa structure qui est en plein développement pour payer les impôts. Monsieur Zucman a une réponse toute faite, les dirigeants peuvent céder des parts de leurs entreprises à hauteur du montant de l’impôt.
Industriel
La compétition pour l’implantation d’usines est européenne. Alourdir unilatéralement le coût de détention des moyens de production détenus par des personnes physiques, c’est renforcer l’arbitrage en faveur d’autres pays. À l’heure où nos coûts de financement augmentent et où notre lisibilité budgétaire est questionnée, une taxe isolée enverrait le mauvais signal aux investisseurs.
La priorité est de chercher des économies, mieux orienter nos dépenses, lutter sans faiblesse contre les fraudes sociales et fiscales et revoir en profondeur l’affectation de la dépense publique. La “taxe Zucman” n’apporte ni lisibilité ni efficacité : elle détourne l’attention des vraies réformes, fragilise l’investissement et l’attractivité.
