Colère des agriculteurs, la réponse de Franck Menonville
Franck Menonville, Sénateur de la Meuse, Conseiller municipal de Stainville, agriculteur et co-auteur de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
Comment évolue la colère des agriculteurs depuis l’année dernière ? Est-elle identique ou différente aujourd’hui ?
Cette colère est clairement la poursuite des revendications exprimées l’an passé. Les agriculteurs expriment leur ras-le-bol face aux normes franco-françaises qui les pénalisent par rapport à leurs homologues européens. Il y a aussi une réelle attente concernant les engagements pris, qui doivent absolument être tenus. Trois enjeux majeurs cristallisent cette colère :
- L’accès à l’eau : Il faut absolument faciliter le stockage et la gestion de l’eau, particulièrement dans les régions les plus exposées au dérèglement climatique.
- La question des moyens de production : Il est impératif de rétablir des conditions équitables en Europe. Par exemple, l’utilisation de l’acétamipride, autorisée dans les 26 autres pays européens jusqu’en 2033, reste interdite en France, affectant des filières cruciales comme la noisette et la betterave. C’est incompréhensible, d’autant plus que nous affirmons vouloir soutenir ces filières.
- Développement des élevages (ICPE) : Nous devons rapprocher nos réglementations des standards européens pour permettre la croissance et le maintien des exploitations françaises.
La colère est renforcée par une situation paradoxale : d’un côté, notre agriculture subit une fragilisation de sa compétitivité à cause de ces réglementations spécifiques à la France. De l’autre, nous importons massivement des produits ne répondant pas aux mêmes exigences réglementaires, tant intra-européennes qu’extra-européennes. Cette incohérence provoque un sentiment d’injustice et de lassitude chez les agriculteurs.
Que s’est-il passé depuis la colère exprimée lors du Salon de l’Agriculture 2024 ?
La mobilisation fin 2024 et début 2025 a permis quelques avancées concrètes, notamment grâce à un budget courageusement porté par Annie Genevard, comprenant près de 500 millions d’euros d’allègements de charges. Cependant, des marges de manœuvre demeurent pour simplifier les normes et alléger les contraintes spécifiquement françaises. C’est précisément l’objet de la proposition de loi que je porte avec Laurent Duplomb : nous aligner strictement sur les standards européens afin d’assurer une concurrence équitable pour nos producteurs.
Pensez-vous que cette proposition de loi avancera rapidement une fois en commission mixte paritaire ?
Il est crucial d’agir rapidement pour que les dispositifs soient opérationnels dès la prochaine campagne agricole. Par exemple, l’autorisation de l’acétamipride doit intervenir dès le mois d’octobre pour les cultures de noisettes et avant mars pour les semis de betteraves. La commission mixte paritaire prévue en juin ou début juillet doit impérativement permettre une mise en application effective dès l’automne.
La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, répond-elle aux attentes actuelles du secteur agricole ?
Oui, la ministre répond pleinement aux défis du secteur. Elle est réactive, engagée et bénéficie de la confiance des agriculteurs, ce qui explique aussi pourquoi, malgré les difficultés, la situation actuelle reste sous contrôle. Toutefois, maintenir cette confiance exige de la transparence et de la cohérence : il faut impérativement « faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait », afin de respecter scrupuleusement nos engagements vis-à-vis des agriculteurs.