Diplomatie française et monde multipolaire

Jean-Baptiste Noé, Docteur en histoire et rédacteur en chef de Conflits

 

La diplomatie, comme la puissance, n’est pas une question de moyens, mais de vouloir. La question cruciale est donc de savoir ce que veut la France, ce qu’elle pense de sa projection dans le monde multipolaire d’aujourd’hui et la façon dont elle conçoit sa place dans le monde.

Elle ne manque pas d’atouts, certes, que ceux-ci soient militaires, diplomatiques, économiques, territoriaux. Mais elle manque de pensée et de vouloir.

 

Les outre-mer, pour quoi faire ?

 

Ce manque de vouloir est dramatiquement illustré par l’impensé que représentent les outre-mer. La France est le pays des 13 fuseaux horaires, mais les outre-mer ne sont évoqués que lors des catastrophes à Mayotte, des révoltes sociales dans les Antilles ou des affrontements en Nouvelle-Calédonie. Pour le reste, il manque cruellement une pensée stratégique, un plan de développement, une véritable réflexion et une pratique d’intégration dans l’espace français. Or c’est bien dans les outre-mer que sont morts ces derniers mois des soldats en opération : en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire sur le sol même du territoire français.

 

Francophonie : concept ou levier de puissance ?

 

La francophonie est un autre exemple des potentialités de la diplomatie française. Peut-on passer du concept et de l’incantation au véritable levier de puissance ? La francophonie s’exerce d’abord dans les lycées français de l’étranger, qui devraient avoir toute l’attention des autorités publiques. C’est là que sont formées les élites économiques et politiques de demain, et donc les futurs relais de l’influence et de la puissance française. Ces lycées devraient recevoir l’élite de leurs pays respectifs, afin d’être formés à la culture française, à son histoire et à sa langue, pour devenir des relais de la France dans le monde. Or, en dépit du travail important réalisé dans ces établissements, le potentiel est encore sous-employé.

 

Quelle place dans la multipolarité ?

 

Constater la multipolarité est une bonne chose, s’y insérer en est une autre. La France a toujours été une puissance d’équilibre, entre les empires, mais dans le camp occidental. C’est ce que Paris tente encore aujourd’hui, avec l’Inde et l’Indonésie, par exemple. Mais il ne peut y avoir de puissance extérieure sans puissance intérieure. La capacité à investir dans l’armée, le dynamisme des entreprises à l’échelle internationale sont autant de leviers de puissance. Ce qui passe par des comptes publics tenus et une fiscalité attrayante. De gros chantiers en perspective.