Soigner la crise à coups de contraintes

Said Ouichou, médecin généraliste dans les quartiers nord de Marseille

 

La loi Garot incarne une politique de renoncement : au lieu de corriger les erreurs structurelles de santé publique, elle choisit la facilité de la contrainte. Restreindre la liberté d’installation des médecins n’est pas une solution, c’est un aveu d’échec. On préfère culpabiliser ceux qui tiennent encore debout un système sous tension plutôt que d’engager une refondation de la médecine de ville.

La proposition avancée par François Bayrou, imposant aux médecins deux jours par mois dans les zones sous-dotées, s’inscrit dans la même logique simpliste. Elle soulève de nombreuses questions fondamentales : combien de médecins seront déplacés chaque jour ? Où trouver les remplaçants nécessaires dans un contexte où les tensions sur les effectifs sont déjà extrêmes ? Pourquoi, si un vivier de médecins disponibles existe, ne pas le mobiliser directement dans les territoires en difficulté ? Sur quels plateaux techniques exerceront-ils ? Dans quelles conditions garantira-t-on la qualité et la sécurité des soins pour des patients qu’ils ne connaissent pas ?

 

Cette vision oublie l’essentiel : la médecine est un engagement durable, pas une prestation ponctuelle. Le soin nécessite du lien, de la continuité, de la confiance. Envoyer des médecins en mission éclair ne remédiera ni à la désertification médicale ni à la perte de sens de l’exercice libéral.

 

La crise actuelle est le fruit de décennies de désinvestissement dans la médecine de proximité, et de l’abandon des territoires. Dévalorisation de la médecine générale, conditions de travail dégradées, lourdeur administrative, déséquilibres territoriaux profonds : voilà les véritables racines du mal.

 

Les solutions existent : faciliter l’installation durable, soutenir les jeunes médecins, développer les maisons de santé pluridisciplinaires, renforcer l’attractivité des territoires sous-dotés, et intégrer les médecins retraités volontaires dans les dispositifs. Cela nécessite des politiques incitatives, une véritable ambition pour la médecine de ville, et non des obligations déconnectées du terrain.

 

Plutôt que d’accroître la défiance envers les soignants, il faut restaurer la confiance et investir massivement dans l’organisation des soins primaires. C’est ainsi, et seulement ainsi que l’on garantira durablement l’accès aux soins pour tous.