Tribune de Laurent Lafon

La réforme de la Taxe d’habitation est le premier faux pas d’Emmanuel Macron. Annonce de campagne lancée pour séduire un large électorat, elle s’avère compliquée à mettre en œuvre et aujourd’hui personne ne sait quelle en sera l’issue. Une chose est certaine, on peut dès aujourd’hui annoncer qu’elle sera probablement coûteuse pour l’Etat. Le « nouveau monde » en utilisant les mêmes pratiques que « l’ancien monde » aboutira probablement au même résultat : une réforme peu lisible et surtout coûteuse pour l’Etat !
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé la suppression de la Taxe d’habitation pour 80% des contribuables. L’objectif recherché était clairement d’adresser un message à la classe moyenne avec une mesure favorable en terme de pouvoir d’achat. Pour rassurer les collectivités, il est annoncé que le manque à gagner pour les collectivités sera compensé par l’Etat.
Si la mesure est reçue très positivement par les contribuables, elle soulève en revanche une fronde des élus locaux, toutes tendances confondues, qui se voient ainsi priver d’une recette fiscale essentielle dans un paysage financier contraint depuis plusieurs années et l’annonce d’une compensation financière est loin de rassurer – au contraire.
Une fois l’élection présidentielle passée, vient le temps de la mise en œuvre et c’est là que le principe de réalité prend le dessus sur les promesses de campagne ! Depuis l’ élection, la réflexion du Président a sensiblement évolué car plusieurs difficultés sont en effet apparues.
Quel est le sens d’un impôt qui ne serait payé que par 20 % des contribuables (sans parler de sa légalité au regard du principe d’égalité des contribuables devant l’impôt) ?
Supprimer la Taxe d’habitation permet d’accroître le pouvoir d’achat des Français de 20 milliards certes mais compenser la perte de revenus pour les collectivités constitue une nouvelle dépense de 20 milliards pour l’Etat ! Alors que l’Etat est contraint par l’Union européenne de diminuer fortement les dépenses publiques, ce n’est sans doute pas le meilleur message envoyé à Bruxelles …
Les collectivités jouent un rôle moteur dans notre pays, pas seulement sur le plan démocratique et social, mais aussi sur le plan économique à travers la commande publique et l’investissement public. Que deviennent des secteurs comme le logement, les travaux publics pour ne citer qu’eux si les collectivités diminuent leur investissement ? Et pour éviter cela, elles ont besoin d’une ressource fiscale dynamique et pérenne.
Et c’est ainsi, qu’après un été et un automne marqués par des relations tendues avec les élus, le Président de la République a annoncé finalement la suppression totale de la TH … avant son remplacement par un nouvel impôt affecté aux collectivités.
Oui mais le principe de réalité ne s’arrête pas là.
Supprimer un impôt pour le remplacer par un autre impôt n’entraîne pas le gain de pouvoir d’achat annoncé. C’est une solution inenvisageable pour le contribuable, pour lequel, rappelons le, la réforme a été voulue.
Seul le transfert d’un impôt d’Etat existant répond à l’ensemble des critères. Une telle solution n’est pas une hypothèse d’école. L’Etat la met en oeuvre actuellement avec le transfert d’une partie de la TVA aux régions pour permettre à ces dernières de financer les nouvelles compétences dans le domaine économique.
Elle n’a donc rien d’absurde, elle présente même bien des avantages. La neutralité pour les contribuables, qui n’ont pas à supporter une imposition supplémentaire, et l’autonomie pour les collectivités, qui ne sont plus dépendantes de l’Etat et de ses difficultés financières.
Alors, quel est l’impôt d’Etat dont le montant est au moins de 20 milliards (montant actuel de la TH), qui peut être « territorialisé » pour maintenir le lien entre le contribuable et le territoire ?
A bien y regarder, il n’en existe pas tant que ça, il n’en existe même qu’un : l’impôt sur le revenu.
L’histoire pourrait donc bien se terminer pour les collectivités. Elles pourraient ainsi récupérer une partie de l’impôt sur le revenu, impôt dynamique, dont le principe n’est pas contesté.
Ca ne serait pas le cas en revanche pour l’Etat. En transférant 20 milliards de recettes, l’Etat doit trouver 20 milliards d’économies ou prendre le risque d’augmenter la dette publique.
Finalement, le « nouveau monde » risque d’être victime comme « l’ancien » de ses promesses de campagne. Une fois l’élection passée, elles buttent sur le principe de réalité et aboutissent, comme souvent, sur la facilité budgétaire qui consiste à les financer par une augmentation des dépenses publiques et l’accroissement des déficits publics.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]